Simon Gestrel et Arnaud Viémont on remporté le “Best Special Stuff” lors de la première édition annuelle du festival Music Video Underground, avec leur clip “L’Aurore” : une véritable pépite qui a agité le web ces derniers mois. Interview sur les coulisses de leur travail.

Votre clip est visuellement très impressionnant, décors, miniatures, personnages… Comment ça se fabrique, un clip comme ça ?

Alors tout d’abord il y a l’écriture. Il faut en parler un peu parce que tout le concept du clip est finalement né de la contrainte budgétaire. Les ambitions en terme de décor et de personnages étaient très élevées dès le départ, et il aurait été impossible d’animer chaque protagoniste dans le temps et l’économie du projet. C’est donc l’idée de raconter l’histoire au travers de tableaux figés dans le temps qui s’est imposé pour devenir le parti pris artistique du film.

Ensuite il y a la construction des décors qui s’est étalée sur 5 mois et sur laquelle est intervenue une équipe d’artistes formés à l’Ecole des Arts Décoratifs et des Gobelins. Le décor du parking est réalisé à l’échelle 1/43 et celui du Diner à l’échelle 1/6. Le premier enjeu majeur de la construction aura été de rendre les deux décors intégralement escamotables afin de pouvoir faire rentrer le système de prise de vue n’importe où au moment du tournage. Les deux décors sont donc constitués de dizaines de panneaux amovibles que l’on a pu déplacer et replacer à volonté en fonction des cadres et des mouvements de caméra. L’autre enjeu de taille aura été de réaliser un circuit électrique, également amovible, qui alimente les différentes sources de lumière intégrées à la maquette (plafonniers, spots, néons). La plupart des sources lumineuses qui éclairent les scènes sont en fait constituées d’un assemblage de LEDs de tailles variables.

Le seul travail sur les décors était titanesque… Mais il y a aussi les personnages, très nombreux !

En parallèle de la construction du décor, nous nous sommes penchés sur la fabrication des personnages.

Pour ce qui est des corps, il s’agit de jouets et de vêtements miniatures que nous avons pu nous procurer en ligne, la plupart provenant des Etats Unis ou de Chine. Quant aux visages des personnages, nous voulions qu’ils puissent changer d’expressions au cours du film.

Nous avons donc pris le parti de modéliser les têtes en 3D puis de les imprimer grâce à la technologie de l’impression 3D, avant des les confier à un spécialiste de la sculpture et de la peinture de figurines. Une fois les décors et les personnages terminés, en route pour le plateau!

Combien de temps a duré le tournage ?

Le tournage se sera déroulé sur près d’un mois et demi. L’installation de chaque plan étant minutieuse et chronophage, il ne fallait pas espérer tourner plus de deux plans par jour. Les personnages et objets en suspension ont tous été maintenu en position à l’aide de fils de métal de diamètres variables qui ont ensuite été gommés en post production grâce à la technique de la multi-passe: le système de prise de vue assisté par logiciel que nous avons utilisé permet de reproduire le même mouvement de caméra à l’identique et de générer plusieurs versions du plan avec ou sans les personnages et les objets. Ces versions, ou passes, sont ensuite combinées au moment du compositing pour effacer efficacement les « rigs » (les fils de métal).

Est-ce que votre travail est comparable à la stop-motion utilisée par Ray Harryhausen ?

Effectivement, le principe de prise de vue reste le même que celui utilisé par Ray Harryhausen, à savoir la stop-motion (image par image). Mais là où Harryhausen animait ses personnages, les nôtres restent statiques. Seul l’appareil photo est animé grâce à un système de rail relié à un ordinateur permettant de programmer des mouvements sur trois axes et faire varier le focus. Une fois toutes les données rentrées dans le logiciel, il ne reste plus qu’à lancer la capture du plan qui se fait image par image, photo par photo.